Le vide existentiel : comprendre ce manque de sens qui nous habite
Quand le vide prend toute la place
Comment nommer ce qui parfois est indicible ?
Cette chose qui m’habite, où que je sois et quoi que je fasse. Avec elle, c’est comme si je ne sentais rien… et pourtant je la sens, elle, profondément, inlassablement, immuablement.
Elle est un vide.
Un vide sourd et muet, mais qui fait tant de bruit à l’intérieur de moi.
Un vide vide, mais qui prend tant de place.
Il me rend triste, sans nécessairement qu’il y ait de larmes.
Il est brouillard. Incompréhension. Tensions. Parfois lutte.
Mais qui est-il ? Et pourquoi est-il en moi ?
C’est ce que l’on appelle le vide existentiel. Un vide qui ne vient pas forcément d’une perte, d’un deuil ou d’une rupture. Un vide qui surgit parfois même quand tout va “bien”, quand rien ne manque en apparence.
Un vide qui ne se voit pas de l’extérieur mais qui fait terriblement souffrir à l’intérieur. Et qui soulève une question vertigineuse : pourquoi et comment est-il arrivé jusqu’à moi ?
Qu’est-ce que le vide existentiel ?
Le psychiatre Viktor Frankl, fondateur de la logothérapie, parlait du vide existentiel comme de l’“ennui spirituel” propre à notre époque : un état intérieur où l’on ne sait plus pourquoi on vit, ni à quoi répondre avec notre existence.
Ce n’est pas nécessairement une dépression :
La dépression éteint souvent tout désir, toute énergie vitale.
Le vide existentiel, lui, laisse intacte la capacité de vivre, mais vide de sens ce que l’on vit.
La philosophie a aussi mis des mots sur ce sentiment :
Sartre parlait du néant qui hante la conscience humaine : nous sommes des êtres qui doivent inventer leur vie, car rien n’est donné d’avance.
Heidegger évoquait l’angoisse (Angst) qui révèle le “rien” de l’être et nous confronte à la finitude et à la liberté.
Le vide existentiel est donc un état de perte de sens, une forme d’errance où nous avançons sans conviction, dans un espace intérieur abyssal et sans frontière.
D’où vient ce vide ?
Plusieurs facteurs se croisent :
La modernité : les repères traditionnels (religion, communauté, rôles sociaux fixes) se sont effacés, laissant l’individu face à lui-même.
La société de consommation et de divertissement : elle promet le bonheur par la possession et l’évasion, mais ne répond pas à la question du sens. Étymologiquement, se divertir — divertere — signifie se détourner de. Notre société moderne cherche, par tous les moyens, à détourner l’homme de sa condition humaine. Frankl parlait d’ailleurs de névrose sociogène (de la société).
La vie personnelle : ce vide surgit parfois après des réussites objectives — travail, couple, sécurité — lorsque l’on réalise que tout cela ne nous comble pas à l’intérieur (différence entre réussite et accomplissement).
Et si le vide n’était pas qu’un ennemi ?
Frankl insistait sur ce point : le vide existentiel n’est pas une simple faille à combler, c’est un appel.
Il nous oblige à nous interroger sur ce qui compte vraiment pour nous.
Il ouvre un espace de liberté : quand rien n’est donné d’avance, tout peut être inventé.
Il peut devenir le point de départ d’une vie plus authentique.
N’oublions pas que le vide peut aussi être vu comme un espace fertile, un lieu intérieur où peut naître la créativité, la réflexion, une autre manière de vivre.
Comment apprivoiser le vide existentiel
La logothérapie de Frankl propose trois voies, que l’on nomme également les trois sources de sens :
Créer, oeuvrer : il s’agit souvent de notre travail ou de notre oeuvre personnelle. Ce que je souhaite offrir au monde.
Entrer en relation : quelle(s) relation(s) est-ce que j’entretiens avec le monde qui m’entoure ? Quelle(s) expérience(s) je souhaite faire ? C’est ce que je prends du monde.
L’attitude intérieure : l’attitude que je choisis d’adopter pour faire face à la souffrance, au vide.
À cela, on peut ajouter :
Le dialogue : il est important de parler de ce vide, de le penser avec d’autres, de la partager. Nous nous sentons souvent seul dans cette situation alors qu’il s’agit d’un élément tout à fait courant de la condition humaine.
L’action modeste mais concrète : ne pas attendre de trouver un sens parfait ou ultime. Nous pouvons trouver du sens dans tous les petits actes du quotidien (prendre soin d’un animal, d’une plante, d’un proche).
La spiritualité ou la méditation : la spiritualité, la religion ou tout espace de silence va permettre d’apprivoiser petit à petit ce vide. Ici, le vide devient présence.
Conclusion : le vide comme seuil
Le vide existentiel est douloureux, mais il peut devenir une porte : il nous arrache à l’automatisme de la vie pour nous confronter à la liberté.
Frankl, survivant des camps, écrivait :
“On peut tout enlever à l’homme sauf une chose : la dernière des libertés humaines — choisir son attitude face à n’importe quelle situation.”
Le vide existentiel n’est donc pas seulement une absence.
Il peut être le début d’un chemin vers une vie plus consciente, plus vraie, plus choisie.
Si ce vide résonne en vous, nous pouvons en parler ensemble au cours d’une séance. La logothérapie, véritable thérapie du sens, permet d’explorer vos valeurs et ce qui vous pousse à vivre. Il n’est jamais trop tard pour apprendre à se connaître et pour apporter notre contribution au monde.